Lorsque vous entendez le terme  » thriller  » pour décrire un film, qu’est-ce qui vous vient généralement à l’esprit ? Une sorte de hold-up ? Une poursuite en voiture ? Un meurtre ? Peut-être quelques cris de guerre pour faire bonne mesure ? Ce sont toutes des façons rapides et faciles pour les thrillers de rappeler aux spectateurs que ce qu’ils regardent est censé faire monter le niveau de stress de quelques crans. D’accord, mais qu’en est-il du vernissage d’une galerie d’art, d’une excursion dans un chalet avec des amis ou d’une pâtisserie rapide ? On peut affirmer sans risque de se tromper que ces trois événements ne sont pas les ingrédients typiques d’un récit à suspense et anxiogène, mais le drame de premier ordre Alice, Darling, avec une performance sensationnelle d’Anna Kendrick, transforme ces événements anodins en un spectacle à couper le souffle et à briser le cœur.

Réalisé par Mary Nighy (pour ses débuts dans le cinéma) sur un scénario économique et fluide d’Alanna Francis, Alice, Darling est beaucoup de choses. C’est une exploration de l’amitié, de la pression des attentes de la société et du pouvoir écrasant et tacite de l’amour platonique. Mais c’est surtout une intense dissection de la violence domestique et des nombreuses façons dont ses ramifications se manifestent chez les survivants. Kendrick, nominée aux Oscars et aux Tony, joue le rôle de la charmante Alice, une femme de type A, travailleuse et très ordonnée, qui ne sourit qu’à l’extérieur. À l’intérieur, elle nourrit une peur intense, de l’incertitude, de la panique et de la honte à cause de la relation toxique qu’elle entretient avec Simon (Charlie Carrick), son petit ami violent sur le plan verbal et psychologique.

La tension commence à mijoter dès la première scène, lorsqu’Alice va boire un verre avec ses copines Tess (Kaniehtiio Horn) et Sophie (Wunmi Mosaku). Cette soirée entre amis est manifestement censée être une échappatoire à la vie trépidante de chacun, mais nous apprenons rapidement qu’Alice ne pourra jamais vraiment échapper à sa relation abusive. Pendant le trajet, elle enroule sans réfléchir ses cheveux autour de son doigt jusqu’à ce qu’ils deviennent rouge foncé, une habitude qui est à la fois un réconfort et une source de honte qui s’intensifie avec sa tension artérielle. Un personnage comme Alice, qui est si mentalement distant et préoccupé même lorsqu’il est physiquement présent, est difficile à interpréter de manière réaliste et non mélodramatique, mais Kendrick y parvient avec facilité. Elle affiche son sourire et sa personnalité amusante dès qu’elle entre dans le restaurant afin de ne pas « accabler » ses amis de sa réalité brutale. Sa réaction au son perçant d’un message d’alerte de Simon est un mélange subtil de peur et de gêne. Le langage corporel et l’immobilité d’Alice en disent long sur ce qu’elle vit, et à mesure que la dynamique évolue et que l’environnement et les circonstances changent, elle change aussi.

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L’anxiété d’Alice monte en flèche lorsque Tess et Sophie proposent leur plan d’escapade dans le chalet de Sophie pour célébrer l’anniversaire de Tess. Son esprit se met immédiatement à tourner en rond alors qu’elle cherche toutes les excuses possibles à donner à Simon, qui ne sera pas content qu’elle le quitte pour si longtemps (ou pas du tout). Le dysfonctionnement de leur relation est pleinement affiché lorsque le couple fait une simple promenade. En apparence, leurs dialogues et leurs interactions sont anodins. Entre la façon dont la scène est filmée et la manière dont Kendrick et Carrick l’abordent intelligemment, on a l’impression qu’elle a été tirée de l’endroit idéal d’une comédie romantique où le couple s’attarde encore dans la phase de lune de miel. Mais en l’espace de quelques secondes, elle devient l’une des scènes les plus difficiles à digérer. Pendant que Simon va chercher quelque chose à la pâtisserie, Alice entre dans un état de transe et répète, avec des inflexions différentes, les différentes manières d’aborder avec désinvolture le sujet de son voyage. C’est un petit coup d’œil dévastateur dans son monde qui permet de garder le ton en place.

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Si l’ensemble du film respire l’authenticité, la relation d’Alice avec Tess et Sophie est particulièrement impressionnante. Le film offre l’une des représentations les plus authentiques de l’amitié, sans jamais tomber dans les tropes ou sacrifier la distinction des personnages au profit de l’intrigue. Sophie et Tess ne rentrent pas dans les cases stéréotypées des « amis », ce qui témoigne de la capacité d’Alanna Francis à créer et à transmettre une dynamique à trois qui donne l’impression d’être habitée et usée, comme votre paire de chaussures préférée qui a tout enduré. Ils sont ainsi parfaitement conscients du moindre changement dans le comportement de l’autre, ce qui montre clairement à quel point ils se connaissent bien. Leurs conversations autour d’un verre font référence à des souvenirs de leur longue histoire, cimentant naturellement leur chimie en tant qu’amis et acteurs. Parfois, c’est simplement l’humeur inquiète d’Alice, assise sur le bord du jacuzzi, délibérément à l’écart de la fête, qui peut définir la scène.

Ce film prend beaucoup de risques narratifs audacieux qui s’avèrent payants et se complètent de manière inattendue. Ce qui est particulièrement intéressant, c’est que la tension la plus forte provient en fait du temps passé par Alice avec Tess et Sophie plutôt qu’avec Simon. Ce n’est pas nécessairement que nous attendons que Simon pète les plombs (même s’il est omniprésent, il n’est pas aussi présent physiquement à l’écran qu’on pourrait le croire), mais nous attendons de voir comment Tess et Sophie réagissent à l’énergie d’Alice. Pendant une grande partie du film, les amis ne savent pas à quel point la relation d’Alice est mauvaise (si tant est qu’elle le soit), ce qui les amène à penser qu’elle n’est pas intéressée par le voyage parce qu’elle s’est éloignée d’eux. À plusieurs reprises, la tension et le suspense s’échappent du chalet, par exemple lorsque Sophie et Alice font des roulés à la cannelle et lorsque Tess entraîne une Alice réticente à faire de la planche à pagaie. Cela rend toute friction entre Alice et ses amis particulièrement triste, car nous, les spectateurs, connaissons les véritables raisons de son changement de comportement. Il est clair que non seulement Alice ne peut pas se détendre, mais qu’elle n’a pas l’impression de le mériter.

Anna Kendrick dans Alice Darling Image via Lionsgate

Visuellement, le film est époustouflant, tant au niveau des lieux que du style. Les plans de coupe sur le cottage habité et la façon dont Nighy n’a pas peur de prendre son temps et d’observer les activités discrètes des amis créent un sentiment de familiarité et capturent vraiment l’ambiance souhaitée. Comme nous l’avons déjà dit, les interactions en tête-à-tête avec Alice et Simon sont utilisées avec parcimonie et de manière stratégique. Bien que cela puisse sembler étrange par moments, c’est en quelque sorte le but du film, car il rappelle que l’anxiété ne disparaît pas lorsqu’elle est loin de lui. Au contraire, elle s’aggrave. Les personnages de Horn et Mosaku jouent cependant des rôles inspirants et essentiels dans les efforts d’Alice pour se rappeler qui elle est vraiment.

Alice, Darling est un pas en avant audacieux et puissant dans la carrière d’Anna Kendrick, qui lui permet de montrer toute l’étendue de son talent, qu’elle n’a peut-être pas encore eu l’occasion d’explorer pleinement. Ce film intime et stimulant sur le plan du ton est le précurseur parfait des débuts de Mme Kendrick en tant que réalisatrice avec le drame policier The Dating Game, dans lequel elle joue également. Alice, Darling est le genre de film qui vous restera en mémoire après le générique de fin. Et qui vous donnera peut-être envie de faire un sandwich à votre ami.

Note : B+

Alice, Darling est actuellement à l’affiche exclusivement dans les cinémas AMC.