L’adaptation de The Last of Us par Neil Druckman et Craig Mazin de Chernobyl est enfin arrivée. Sa première a permis à HBO de réaliser le deuxième meilleur démarrage en 10 ans, après House of the Dragon. La série tant attendue est basée sur le jeu de Naughty Dog de 2013, acclamé par la critique et exclusif à la PlayStation, et suit Joel Miller (Pedro Pascal) alors qu’il est chargé de transporter Ellie (Bella Ramsey) à travers le pays pendant une pandémie fongique de zombies. L’histoire devient rapidement celle d’un père réticent qui, ayant perdu sa propre fille pendant l’épidémie, doit apprendre à laisser Ellie entrer dans son cœur malgré sa douleur et ses problèmes d’attachement. Ça vous dit quelque chose ? Bien sûr. Ce thème n’est pas exclusif à The Last of Us, puisqu’il était déjà présent dans le film Logan de 2017 et dans la relation entre Hopper et Eleven dans la série Stranger Things de Netflix.
Joel Miller et le Mandalorien ne sont pas si différents.
Cependant, les fans se souviendront peut-être d’un autre exemple récent de cette relation sur nos écrans, sous la forme de The Mandalorian, qui revient pour une troisième saison en mars. Le Mandalorien met en scène Pedro Pascal dans un rôle similaire à celui qu’il a endossé dans The Last of Us. Le réticent Din Djarin prend sur lui de transporter un enfant à travers la galaxie malgré des menaces fatales. Il est clair que Pascal est devenu un paradigme de cet archétype. Alors, où et quand cette tendance de carrière a-t-elle commencé pour l’acteur chilien-américain ? Le premier exemple connu est le rôle de Pascal dans une autre épopée de science-fiction dans laquelle un anti-héros brutal doit mettre de côté son passé moralement discutable afin de protéger un enfant dans le besoin, que les fans de The Last of Us et The Mandalorian seront heureux de découvrir.
De quoi parle ‘Prospect’ ?
Prospect est un film de 2018 mettant en scène Pascal dans le rôle d’un bandit du Far West de l’ère spatiale, à une époque de prospecteurs planétaires. Sophie Thatcher (Yellowjackets) joue le rôle de Cee, la fille du Damon de Jay Duplass, un pionnier. Le père et la fille s’écrasent sur une terre fongique infestée de spores qui n’est pas sans rappeler le monde envahi par la végétation du jeu vidéo The Last of Us (bien que la série ait décidé d’exclure les spores de l’adaptation). Il s’agit d’une lune forestière dont l’atmosphère est si mortelle qu’il faut porter des combinaisons pressurisées à filtration d’air pour l’explorer. Pour ne rien arranger, l’horloge tourne et le duo dispose d’un temps limité pour récolter des gemmes organiques à la surface avant que le portique interstellaire qui les a amenés ici ne reparte. Ils disposent de trois « cycles » pour extraire la précieuse substance des sacs d’œufs extraterrestres, ce qui exige des mains fermes et une précision chirurgicale.
Image Via Dust (Gunpowder & ; Sky)
Peu après, son père est mortellement blessé lors d’une embuscade tendue par des prospecteurs rivaux, dont l’ombrageux Ezra (Pascal), qui prend sur lui de se forger une conscience à la lumière de sa nouvelle responsabilité envers la jeune fille. Comme le lui dit Ezra, « un bon partenariat ne peut se faire que par un discours franc ». On peut supposer que l’équipe créative de The Mandalorian a vu Prospect et que la capacité de Pascal à transmettre une sympathie dure à cuire sous un casque lui a valu le rôle titulaire dans Star Wars. Sophie Thatcher a également rejoint l’univers télévisuel de la franchise avec un petit rôle dans The Book of Boba Fett, qui recoupe largement The Mandalorian, ce qui étaye encore cette thèse.
Le Far West de l’espace
La guerre des étoiles elle-même, avec ses déserts apparemment infinis, ses thèmes de colonialisme et ses mondes largement inexplorés, a toujours fait référence au genre western et aux histoires de frontières. On comprend pourquoi cette franchise et d’autres du même genre (notamment Firefly et Cowboy Bebop) associent le cadre de l’exploration spatiale à un style plus familier qui le relie à l’époque du Far West. Boba Fett se lie d’amitié avec les peuples tribaux de Tatooine, comme dans Danse avec les loups et Little Big Man. Din Djarin erre de ville en ville, mettant sa propre mission de côté à plusieurs reprises afin d’aider les habitants sans défense, comme un héros de western classique. Le genre du western lui-même est souvent une reprise d’histoires liées aux frontières asiatiques et aux guerriers samouraïs. Ainsi, Les Sept mercenaires est un remake des Sept samouraïs d’Akira Kurosawa. Le Mandalorien lui-même s’inspire largement de Loup solitaire et louveteau, une autre histoire dans laquelle un guerrier est chargé de s’occuper d’un enfant. On pourrait même dire que The Last of Us est aussi un western, étant donné son exploration d’un nouveau monde et son paysage sauvage.
Prospect reprend l’idée du western planétaire de science-fiction et la pousse à l’extrême. Comme cela se produit naturellement avec l’avènement des voyages spatiaux publics, Prospect voit des personnes ambitieuses et désespérées explorer les territoires nouvellement découverts à la recherche de richesses. À l’instar de la véritable ruée vers l’or des Amériques, ce film voit plusieurs prospecteurs tenter leur chance sur un terrain brutal et impitoyable, dans l’espoir d’acquérir une fortune. Inévitablement, ce monde non policé fait place aux bandits et aux voleurs, suffisamment désespérés pour prendre des vies afin de survivre et de prospérer. C’est ce genre d’anti-héros à la morale grise que Pascal incarne dans Prospect, et sa brillante prestation, qui l’a préparé à jouer Joel Miller et Le Mandalorien. Son talent est si bien établi dans ces personnages et, contrairement à The Mandalorian, qui couvre son visage pour la plus grande partie (un exploit dans la mise en valeur de la performance physique, rien de moins), Prospect met tout Pascal en valeur. Il convient également de mentionner que Sophie Thatcher est fantastique dans le rôle de Cee. On la retrouvera dans Yellowjackets, une autre série actuelle digne d’éloges, dans le rôle de la version adolescente de Natalie de Juliette Lewis.
Image via Dust (Gunpowder & ; Sky)
Une ruée vers l’or devant et derrière la caméra
Sans avoir vu le film, il peut être difficile d’imaginer que Prospect est en fait un film à petit budget. Cependant, lorsque vous le regardez, ses décors, costumes et accessoires minimaux rendent ce fait plus évident, mais le film n’en est pas moins impressionnant. En fait, c’est le budget minuscule de moins de 4 millions de dollars qui a permis à ce film d’atteindre des sommets. Sa dépendance à l’égard de la faune naturelle et des paysages forestiers est charmante et ingénieuse, et son envergure, malgré ses limites, ne peut être suffisamment louée. Le fait que ce film, qui précède à la fois The Mandalorian et The Last of Us, puisse être comparé à deux des séries les plus attendues et à plus gros budget de deux des sociétés les plus prospères n’est pas un mince exploit, et les réalisateurs Zeek Earl et Chris Caldwell ont pu y parvenir avec très peu de crédits antérieurs à leur nom.
La petite production a réussi à faire des vagues, après avoir été présentée en avant-première au South by Southwest Film Festival et avoir créé un environnement interplanétaire convaincant avec très peu d’argent. Cela est dû en grande partie au fait qu’en dépit de son cadre extra-terrestre et de sa construction intelligente du monde, il ne s’agit pas d’une histoire d’espace ou de pistolets laser, mais plutôt de l’histoire d’un homme mauvais et d’une jeune fille. La relation entre Ezra et Cee est merveilleuse à voir se développer. Cette figure paternelle réticente n’est poussée à s’occuper de cette fille qu’en raison des répercussions de ses propres actions, remettant en question tout ce qui l’a conduit à devenir l’homme qu’il est devenu au moment où nous le rencontrons. C’est précisément ce genre d’histoire humaine qui permet aux décors extraterrestres et à l’action de science-fiction de fonctionner si bien, et l’écriture et les performances de Prospect méritent des éloges pour cette réussite.
Les fans de Pedro Pascal et de sa capacité unique à dépeindre d’attachantes crapules en position de responsabilité parentale devraient chercher ce joyau moins connu, et soutenir le cinéma indépendant par la même occasion. Le voyage de ce personnage à travers un vaste terrain vague indomptable donne au public un avant-goût de ce que l’on peut attendre de The Last of Us, et potentiellement de la troisième saison à venir de The Mandalorian, tout en nous montrant comment Pascal maîtrise l’art de jouer la figure paternelle réticente. Comme l’a dit l’acteur dans une récente interview à Vanity Fair, « Papa est un état d’esprit, vous voyez ce que je veux dire ?… Je suis ton papa. »