C’est le monde de Pedro Pascal en ce moment, et nous avons la chance d’y vivre. Entre The Last of Us qui prend des millions de téléspectateurs d’assaut et The Mandalorian qui en est à sa troisième saison (et bien d’autres en perspective), le meilleur père fictif a atteint un niveau de célébrité habituellement réservé aux icônes hollywoodiennes du passé. Et ce n’est pas comme si sa célébrité antérieure n’avait rien de surprenant : The Mandalorian était un poids lourd incontournable en 2019, à tel point que Pascal a fait la une des journaux en rejoignant le casting du très attendu et très décrié Wonder Woman 1984.

Très décrié est peut-être un euphémisme lorsqu’il s’agit de Wonder Woman 1984. Nombreux sont ceux qui considèrent le film comme un échec narratif, et ses controverses ne se sont pas améliorées avec le temps jusqu’à présent. Était-ce le meilleur film de super-héros en termes de qualité pour Pascal ? Absolument pas. A-t-il tout de même livré une performance étonnamment raffinée et digne d’être célébrée ? C’est la raison pour laquelle je suis ici.

Les origines de Maxwell Lord dans Wonder Woman 1984

Image via Warner Bros.

Le personnage de Maxwell Lord a fait ses débuts dans DC Comics en 1987 et a été créé par les scénaristes Keith Giffin et J.M. DeMateis et le dessinateur Kevin Macquire. Manipulateur de premier ordre, Lord est un homme d’affaires complice et un adversaire de la Ligue des Justiciers, bien qu’il ne manque pas toujours de moralité. Cela vaut pour l’interprétation de Wonder Woman 1984, où Lord remplit le rôle d’antagoniste principal mais n’est pas un méchant traditionnel grâce à quelques différences clés entre 1984 et sa source en bande dessinée.

Tout d’abord, en 1984, Lord est né Maxwell Lorenzano. Sa famille immigrée vit dans la pauvreté, son père est violent avec Lord et sa mère, et Lord est victime de racisme ciblé et de brimades à l’école de la part d’élèves blancs. Son rêve de devenir un homme d’affaires prospère, et donc de vouloir le concept symbolique et nébuleux de « tout », découle du fait qu’il n’a rien eu pendant la plus grande partie de sa vie. Il s’agit là de motivations parfaitement compréhensibles et sympathiques ; Lord exécute simplement ses objectifs de la mauvaise manière.

Par cette mauvaise façon de faire, 1984 dépeint Lord comme un emblème des hommes d’affaires des années 1980 ; pensez aux Gordon Geckos du monde. Tout le monde compare le slogan de Wall Street « la cupidité est bonne » avec la phrase charismatique de Lord « la vie est bonne, mais elle peut être meilleure ». Lord évolue dans un paysage social dominé par l’idée de l’économie du ruissellement, un concept politique conçu pour profiter aux riches tout en exploitant tous ceux qui ont moins de moyens. L’argumentaire de Lord, que l’on peut citer, prône l’excès et se résume au matérialisme, en particulier au matérialisme américain. Les yachts privés, les jets, les jolies filles, tout l’argent et l’influence que l’on peut imaginer : Lord promeut le rêve américain par le biais des Reaganomics. Lord se teint même les cheveux en blond clair, ce qui rend Pascal presque méconnaissable au premier coup d’œil.

Pedro Pascal joue Max Lord comme un antihéros sympathique, ce qu’il est.

Pedro Pascal dans le rôle de Maxwell Lord dans Wonder Woman 1984Image via Warner Bros.

Dès le premier regard, on sent que quelque chose ne tourne pas rond chez cet homme. Même si Pascal porte à onze son charme traditionnellement discret, son large sourire aux dents blanches semble ne pas croire à ses propres affectations. Ses yeux portent toujours une touche de ténacité réservée, de prudence vigilante. C’est un serpent sans venin, car si Lord n’est pas du tout l’image qu’il projette, il n’est pas méchant. Il est imparfait, il utilise ses tendances manipulatrices et ses manières de voyou lorsque c’est nécessaire parce que ses dettes financières s’accumulent au point de s’effondrer inéluctablement. Lord est caractérisé par son désespoir : il est désespéré d’être perçu comme ayant réussi superficiellement et tout aussi désespéré de subvenir aux besoins de son fils Alistair (Lucian Perez).

De toutes les choses que l’on peut dire sur Maxwell Lord, la meilleure preuve de sa profondeur de caractère est l’amour qu’il porte à son fils. Alistair représente le côté désintéressé des objectifs de Lord. Bien que cela ne soit pas dit ouvertement dans le texte, une fois que l’histoire de Lord est révélée, il est évident que Lord ne veut pas que son fils vive les mêmes souffrances. L’insouciance frénétique de Pascal est trop réelle pour que l’on puisse douter de son authenticité. Protéger Alistair, donner à son fils la vie la plus sûre et la plus confortable possible, est inextricablement lié à la recherche de la Pierre de Rêve par Lord et à sa décision d’en devenir la manifestation physique. Il veut qu’Alistair soit « fier » du nom de son père, qu’il ne manque de rien. Après avoir perdu un contrat, Lord, presque en larmes, promet à son fils qu’il n’est ni un échec ni une déception, tout en semblant le crier à son propre doute profondément enraciné.

Oui, on peut s’amuser rétrospectivement de voir Pedro Pascal jouer un autre père adorateur et légèrement immoral. Mais Maxwell Lord n’est pas Din Djarin ou Joel Miller. L’intimité de Pascal avec le jeune Perez est à la fois instinctivement facile et empreinte de crainte. Il n’hésite jamais à embrasser le front d’Alistair, à le serrer contre lui ou à prendre le visage de son fils dans ses mains. L’impétuosité implacable de Lord provient de sa terreur face à la ruine financière et à la perte de son image publique soigneusement élaborée, qui remonte à son amour pour Alistair. Sans son image, il n’y a pas d’argent ; sans argent, il ne peut pas s’occuper de son enfant. Sans doute l’être le plus puissant de la planète depuis qu’il est devenu la Pierre de Rêve, Pascal fait paraître Lord dévasté et impuissant après qu’Alistair a utilisé son souhait de manière désintéressée. Lorsque leur relation décline et que Lord sait qu’il a blessé Alistair par sa frustration insouciante, le regret instantané et perçant envahit le corps de Lord comme un poignard dans le cœur. Il s’excuse et serre Alistair dans ses bras, l’assurant tranquillement que « ta grandeur est ma grandeur » et proclamant que « tout le monde verra » à quel point ils ont eu tort de douter de la valeur de Lord. Pascal n’a besoin que de trois mots pour mêler les peurs de Lord à une menace glaçante qu’il est difficile de ne pas soutenir, quelles que soient ses actions.

RELIEF : Le rôle le plus mystérieux de Pedro Pascal dans Equalizer 2

Le scénario de  » Wonder Woman 1984  » donne à Max Lord un arc complet, mais Pedro Pascal le fait briller.

Pascal a vraiment les coudées franches dans le scénario et le secoue une fois que la Pierre de Rêve affecte le bien-être de Lord. Le charmeur suave devient progressivement psychologiquement déséquilibré et physiquement malade : il transpire, tremble, trébuche sur ses pieds et saigne de tous ses orifices faciaux. Lord sait à quel point sa voie est dangereuse, mais il n’a pas d’autre choix que d’aller vers la mort s’il veut réussir. Il a attendu toute sa vie pour rectifier les torts qui lui ont été infligés dans son enfance, pour s’aligner sur les valeurs systématiques et les structures de pouvoir impitoyables de l’Amérique. Sa fausse arrogance devient même réelle dans son pas vif et tranchant et dans la férocité éhontée de ses exigences. Alors que Lord était autrefois coquet et enjoué, il est aujourd’hui cruel et moqueur. À certains moments, sa soif d’omnipotence le rend vraiment menaçant, et pas seulement inquiétant. Et une fois que les souhaits du monde lui parviennent, il affiche une sorte de joie dérangée. Lord est ivre de pouvoir, s’imprégnant de tout ce qu’il a voulu et d’un avenir plein de possibilités.

Mais comme tout arc de caractère superbe, aucun des nouveaux pouvoirs de Lord n’a d’importance lorsque son amour pour Alistair coupe à travers le bruit. Pascal laisse son désespoir et sa dévotion s’exprimer avec l’intensité catastrophique d’un opéra. Lord inspire la sympathie, et non le sang, lorsqu’il retrouve Alistair. Malgré ses intentions calculées et ses faux pas volontaires, Lord se voit offrir un avenir plein d’espoir et une chance de rédemption.

La raison pour laquelle on s’intéresse à sa scène finale tient à l’étrange capacité de Pascal à puiser dans les émotions universelles et à trouver un noyau de grandeur racontable – même dans le gâchis qu’est Wonder Woman 1984. Les personnages moralement gris qui font des choix douteux pour de bonnes raisons jouent avec les forces établies de l’acteur, mais son dévouement à ce rôle en particulier montre plus de talent et de gamme de Pascal que ce film ennuyeux ne le mérite.